HOMMAGE A ABEL BERTHOME

Le samedi 16 mars 2002 au Poiré sur Vie, se déroula une cérémonie en mémoire d’Abel Berthomé, l’unique soldat de la commune tombé au combat lors de la guerre d’Algérie. Cet hommage fut organisé par l’Amicale du 9e Régiment de Chasseurs Parachutistes, Groupe Aquitaine et fut présidé par le Général Jean-Paul Favreau président nationale de l’association. Outre de nombreux anciens du 9e R.C.P., on pouvait noter la présence de Monsieur Didier Mandelli, maire du Poiré sur Vie, des anciens combattants d’Afrique du Nord de la Section U.N.C. A.F.N. du Poiré sur Vie et évidemment des membres de la famille d’Abel Berthomé conduite par ses deux frères : Gilles et André Berthomé.

Une fois le rassemblement réalisé sur la place du Poiré, le cortège se dirigea vers le monument aux morts où se déroula la première partie de la cérémonie.

Par quelques mots Monsieur le maire accueilli l’assistance et indiqua comme il était fier et sensible de recevoir l’Amicale d’un régiment où son père servi et fut blessé au combat en Algérie. Puis il laissa la place au Général Favreau qui prononça l’allocution suivante :

AMICALE DU 9e R.C.P.

LE GENERAL JEAN-PAUL FAVREAU

PRESIDENT NATIONAL

LE POIRE SUR VIE, 16 MARS 2002

ALLOCUTION

Prononcée à l’occasion de la cérémonie organisée en mémoire d’Abel Berthomé, tombé au Champ d’Honneur au Djebel Mouadjene (Algérie) le 29 avril 1958 dans les rangs de la 3e Compagnie du 9e R.C.P.

« Lorsqu’il a créé la Médaille Militaire le 22 janvier 1852 Louis Napoléon Bonaparte a voulu en faire une décoration réservée à l’Armée . Il a voulu qu'elle vienne récompenser symboliquement le soldat et le sous-officier. C'est pourquoi un officier ne peut en aucun cas la recevoir sauf s'il l'a méritée comme général commandant devant l'ennemi.

Le maréchal Foch ne portait pour seul insigne que celui de cette médaille. La France d'aujourd'hui ne décerne pas d'autre décoration militaire.

Il est vrai qu'une décoration est bien peu de chose au regard des sacrifices consentie par ceux qui la reçoivent, au regard du sacrifice que le parachutiste de 1 e classe Abel Berthomé a fait de sa jeune vie. Cependant elle constitue le témoignage de la reconnaissance du pays pour le service rendu.

Mais il convient que ce témoignage soit officiel et public. Or, en ce qui concerne la famille d'Abel Berthomé le témoignage a été officiel, empruntant pour lui parvenir les voies glacées de l'administration, mais il n'a pas été public. Je sais qu'elle en a été blessée et nous partageons tous son sentiment.

C'est pourquoi nous anciens parachutistes du 9e R.C.P., sommes ici en ce 16 mars 2002 au Poiré-sur-vie non seulement pour nous incliner sur la tombe d'Abel Berthomé mais aussi pour rendre témoignage de la récompense qu'il a reçue.

Et moi Général Favreau, président de l'amicale du 9e R.C.P., je viens aujourd'hui faire ce que notre grand ancien le colonel Buchoud n'a pas eu le temps de faire, je viens remettre aux yeux de tous la Médaille Militaire d'Abel Berthomé a sa famille en la personne de son frère Gilles.

 

 

 Par décret du 24 octobre 1958 Abel Berthomé a été cite a l'ordre de l'Armée dans les termes suivants:

« Chasseur parachutiste de 1e classe Abel, Lucien, Auguste Berthomé né le 30 septembre 1936 au Poiré sur Vie (Vendée).

3e compagnie du 9e Régiment de chasseurs parachutistes tué le 29 avril 1958. Grenadier voltigeur remarquable par son cran et son audace, s'est distingue le 28 avril 1958 dans le djebel el Arous (Est constantinois) en participant très activement au combat qui permit la destruction par son unité de 211 rebelles et la récupération de 14 armes de guerre dont 2 fusils-mitrailleurs.

Le 29 avril 1958, la compagnie ayant été héliportée sur le djebel el Mouadjene (Est constantinois) et prise à partie par d'importantes forces rebelles. A opposé a l'adversaire une résistance inébranlable. Sa section ayant reçu pour mission de défendre une face du dispositif il n'a pas hésité a se dresser debout, pistolet-mitrailleur au poing, pour recevoir l’assaut des hors-la-loi.

A été mortellement blessé au cours de l'action.

Cette citation comporte l'attribution de la médaille militaire et de la Croix de la Valeur Militaire avec palme. »

Monsieur Gilles Berthomé, je vous remets à vous et pour toute votre famille l'insigne de la Médaille Militaire ainsi que l'insigne de la croix de la valeur militaire avec palmes décernés à votre frère.

Gardez les en mémoire de lui et aussi en mémoire de ceux qui sont tombés pour la France sur tous les champs de bataille et en particulier sur la terre d'afrique. »

Général Jean-Paul FAVREAU

Accompagné de Messieurs Didier Mandelli et Gilles Berthomé, le Général Favreau déposa une gerbe au pied du monument aux morts, juste à côté de la plaque où est gravé le nom d’Abel Berthomé. La sonnerie « aux morts » retenti, elle fut suivie d’une minute de silence et de la Marseillaise.

En cortège l’assemblée se dirigea vers le cimetière communal où repose le corps d’Abel Berthomé. Là, devant la tombe familiale, son ancien chef, le Lieutenant Roger Saboureau, lui rendit un vibrant hommage :

ELOGE FUNEBRE ABEL BERTHOME

« Il y aura quarante-quatre ans dans quelques jours Abel Berthomé tombait en Algérie dans les rangs du 9e R.C.P..

Nous sommes réunis aujourd'hui, sa famille, ses amis ses camarades de combat pour honorer sa mémoire et pour nous souvenir.

Enfant du Poiré sur Vie, il avait hérité de ce pays de Vendée, la solidité je sens du travail bien fait une grande gentillesse et un profond patriotisme. Lorsque vient le temps du service militaire il est volontaire pour servir au premier rang : chez les Parachutistes.

Dés son arrivée en Algérie, il est affecté à la 3e compagnie. II est alors grenadier voltigeur et je remarque ces qualités de disponibilité, son esprit de discipline et cette inaltérable bonne humeur qui étaient sa marque Je décide alors de le prendre à mes côtés comme mon radio personnel à la 2 e section que je commande. Je n'ai eu qu'à me féliciter de ce choix.

Sur le terrain le cordon du poste fait de nous des inséparables et entre le radio et son chef, particulièrement dans les moments difficiles, doivent exister des relations de confiance et d'estime réciproque une compréhension de tous les instants. Entre Abel Berthomé et moi ce fut vraiment le cas car outre ses qualités je reconnaissais en lui porté au paroxysme, le tempérament des hommes de ce pays que je connais bien pour être un peu des leurs. Toujours souriant, jamais fatigué, très aimé de ses camarades il savait communiquer adroitement aux hommes de la section les petites informations qu'un radio connaît avant tout le monde et ceci sans jamais se prendre au sérieux ni profiter de sa situation.

Lors des nombreux combats que nous avons vécu ensemble Je l'ai toujours trouvé à mes côtés prêts à recevoir et à transmettre les ordres, sans souci du danger qu'il semblait ignorer.

Ce 29 avril 1958, nous recevons la mission d'intercepter un bande rebelle détectée lors de son passage du barrage électrifié et dont quelques éléments viennent d'être accrochés par la 1e compagnie du régiment.

Alors que nous venons la veille de détruire une katiba ennemie, action au cours de laquelle Abel s'était déjà distingué, nous sommes héliportés vers 16 h sur le djebel Mouadjéne massif montagneux proche du barrage à quelques kilomètres de la ville de Souk Ahras. A peine posés et avant d'avoir pu nous regrouper, nous sommes pris à partie par l'effectif de deux katibas ennemies soit plus de deux cent hommes installées sur cette crête et qui nous encerclent.

Le capitaine Beaumont commandant la compagnie vient d'être blessé. Il nous donne l'ordre de nous porter au secours de la 1e section qui posée quelques instants avant nous a déjà été disloquée et dont le chef le sous-­lieutenant Thierry, a été tué.

Par bonds sous un déluge de feu nous avançons vers l'adversaire récupérant au passage des hommes de la 1e section apercevant ici et là les corps de leurs camarades. Son poste détruit par une balle Abel Berthomé a du l'abandonner. Il combat à mes côtés comme voltigeur et tire de courtes rafales de son pistolet mitrailleur.

Nous arrivons au contact de l'adversaire. Nous distinguons dans les fourrés les casquettes kaki de nombreux rebelles. Soudain nous les voyons lever les bras pour se rendre. Nous nous dressons au-dessus de la broussaille. Dans le même temps les rebelles donnent l'assaut de toutes leurs armes, Abel Berthomé tombe debout, face à l'ennemi.

Ce combat a été parmi les plus meurtriers de ce conflit. Nous avons perdu ce jour là les 2/3 de l'effectif de la compagnie, dont notre capitaine.

Abel Berthomé tu es mort en soldat de France comme tes anciens de l'Argonne ou du Chemin des Dames, comme tes ancêtres qui défendaient leur liberté la fourche à la main. Tu n'as pas connu les joies d'une femme aimée, d'un foyer d'enfants qu'on voit grandir .Tes parents, ta famille n'ont pu profiter de ton affection ; ils ont souffert de ton départ prématuré.

Aux ordres du gouvernement de ton pays tu as eu une conduite exemplaire dans le courage et dans l'honneur et tu as tout donné, jusqu’au sacrifice suprême.

Nous, les survivants tes frères d'armes nous continuerons d’honorer ta mémoire et celle de tes camarades tombés au combat et nous la défendrons contre tous ceux qui voudraient la salir.

Abel, mon cher camarade, mon compatriote je pense souvent à toi. Nous ne t'oublions pas.

Que cette terre de Vendée, ta terre, soit légère à ton corps de soldat. »

Le Général Favreau déposa sur la tombe une plaque au nom de l’Amicale du 9e R.C.P. La sonnerie « Aux morts » retenti, la minute de silence qui suivi fut chargée d’une intense émotion. Ensuite les portes drapeaux se placèrent face à la tombe et effectuèrent le salut.

Tous les participants se retrouvèrent à la Salle de La Martelle où un vin d’honneur fut servi. André Berthomé, au nom de sa famille remercia toutes les personnes présentes, en particulier les anciens camarades de combat d’Abel qui après avoir combattu pour leur pays, luttent dorénavant contre l’oubli de leurs camarades tombés pour la France.

Daniel AUBRET

Secrétaire de la Section U.N.C. du Poiré sur Vie

L’auteur tient à remercier le Général Favreau et Monsieur Saboureau de lui avoir confié les textes reproduits plus haut, ainsi que Gilles Berthomé pour le prêt de certaines photographies présentes dans ce site et rappelant le sacrifice et le souvenir de son frère.