
Ancien soldat au 8e Régiment d’Infanterie Coloniale.
Ancien président de la Section de l’Union Nationale des Combattants de Beaufou.
Tiré de ses souvenirs de guerre :
« Histoire d’un simple soldat, Arsène Guibert, Classe 1916. »
Avec l’aimable autorisation de Madame Marcelle Elineau de Beaufou.
« Nous repartons vers la boucle de CERNA (Serbie).
Après 4 jours de marche, nous arrivons dans le secteur du piton rocheux, altitude 1050 mètres et formons 2 têtes à environ 60 mètres l'une de l'autre.
A hauteur à peu près égales, nous aménageons nos positions, creusons nos tranchées, renforçons nos barbelés.
Nous sommes 6 jours en premières lignes, et 6 jours au repos au ravin de la grenade, à environ 12 kilomètres en arrière.
De temps en temps un coup de main entre les lignes, pour essayer de faire un prisonnier, afin d'avoir des renseignements sur ce que font les Allemands, car ici, nous avons toujours à faire avec des Allemands.
De leur côté, ils en font autant.
Les tentatives ne réussissent pas toujours.
Nous constatons un matin, au petit jour, que quelques Allemands se replient dans une sape, un peu en arrière pour se reposer.
Un soir le camarade Guillet du Poiré nous dit « Demain matin, quant ils vont se replier, je veux en tuer un ».
Nous lui disons « Ne fait pas ça, tu vas nous faire bombarder ».
Il ne nous écoute pas.
Le lendemain, nous les voyons passer ; Guillet s'installe au créneau, tire, et tout ravi, nous dit « Je crois que j'en ai tué un, il est tombé ».
Au même moment, il se relève, sa tête dépasse le parapet, une balle le frappe en plein front, traverse son casque et sa tête. Il tombe en poussant un cri. Nous le ramassons, enlevons son casque et son passe montagne. Une grosse boule rouge est dedans, il s'agit sans doute de sa cervelle que la balle a arrachée en tournant. Nous lui faisons un pansement, l'allongeons dans une couverture dans la sape et le surveillons toute la journée. Il fallut attendre toute la nuit pour que les brancardiers viennent le chercher et le transporter au poste de secours.
Dans la nuit son visage se gonfle, il nous comprend et nous promet de donner de ses nouvelles. malheureusement, il n'y en eut pas, il a du mourir pendant son transport.
Ses parents nous demandèrent des renseignements sur sa mort, mais il ne nous fut pas possible de leur en donner. » |